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Une décennie d’engagement, un parcours riche en apprentissages

La philanthropie est synonyme d’action collective au profit d’objectifs communs. Nous espérons que ces réflexions seront utiles à nos pairs, qu’il s’agisse de nos succès mais aussi de nos erreurs et des difficultés rencontrées au fil des années.

© Cartier Philanthropy / Cyril le Tourneur

Des promesses aux résultats concrets, nous célébrons cette année une décennie de philanthropie efficace - un impact collectif qui permet de renforcer les moyens d’action des communautés locales. Ce jalon nous encourage à nous arrêter un instant sur les leçons apprises en chemin.

La philanthropie est synonyme d’action collective au profit d’objectifs communs. Nous espérons que ces réflexions seront utiles à nos pairs, qu’il s’agisse de nos succès, mais aussi de nos erreurs et des difficultés.

Voici les cinq principales leçons que nous tirons de notre expérience.

1. FINANCER L’IMPACT.

En tant que bailleurs, nous avons une forte responsabilité à l’égard des personnes que nous cherchons à aider. Il y a tant à faire aujourd’hui – et les besoins sont si urgents –, que nous ne pouvons pas nous permettre de gaspiller de l’argent, du temps ou de l’énergie sur des programmes qui ne fonctionnent pas.

Notre première responsabilité est de nous assurer que chaque dollar investi apporte un changement positif dans la vie des personnes pour lesquelles Cartier Philanthropy s’est engagée à lutter. Pour s’attaquer sérieusement à un problème, il faut pouvoir démontrer que la solution fonctionne et qu’elle peut réellement conduire aux résultats attendus.

Quand nous présentons notre vision de « l’impact », nous nous référons souvent à notre partenaire mothers2mothers et à la manière dont ils ont réussi à réduire la transmission du VIH-SIDA d’une femme enceinte à son enfant de 40 % à 1 %.

Quand nous avons décidé de soutenir cette formidable organisation, ce n’est pas le nombre d’ateliers organisés, le nombre de femmes formées, le nombre de personnes touchées ou encore les activités planifiées pour atteindre l’objectif qui nous ont convaincus, mais bel et bien ce chiffre de 1 %. Nous avons été persuadés par les données, tant qualitatives que quantitatives, qui démontraient concrètement l’impact que l’intervention de mothers2mothers avait sur la vie des femmes vivant avec le VIH-SIDA : ces femmes peuvent mener une vie saine grâce au traitement, leurs bébés peuvent grandir en bonne santé et se développer, et l’élimination presque totale de la transmission du virus des mères aux enfants est enfin une réalité.

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© mothers2mothers/Karin Schermbrucker

2. UN FINANCEMENT À LONG TERME ET SANS RESTRICTION.

Nous travaillons sur des questions très complexes et multi-dimensionnelles, et à ce titre, nous ne nous attendons pas à des résultats immédiats, d’un jour à l’autre. Notre engagement se fait sur le long terme.

Nous avons conscience qu’il est tentant de soutenir un projet sur deux ou trois ans, de réaliser toutes les activités prévues, de s’enorgueillir des « résultats » et puis de passer à autre chose. Nous avons cependant appris à nos dépens que ce n’est pas de cette façon que l’on réalise des progrès tangibles au sein des communautés défavorisées. Durant nos premières années, nous avions un projet en Amérique du Sud qui visait à améliorer les moyens de subsistance des femmes vulnérables. À la fin de la période de financement, notre partenaire nous a remis un rapport indiquant que toutes les activités prévues avaient été menées à bien et que le projet était désormais terminé. Le projet était en effet techniquement « réussi » et l’équipe responsable s’apprêtait à se pencher sur le projet suivant. Cependant, la situation des femmes qu’ils avaient soutenues pendant trois ans ne s’était visiblement pas améliorée. L’impact global était minime, si tant est qu’il y ait eu un véritable impact.

Financer des projets conduit souvent à une approche de type « cases à cocher ». Toutes les activités sont réalisées, donc tout va bien, passons au projet suivant.

Si, au contraire, nous investissons sur l’impact et sur le long terme, nous sommes en mesure de soutenir les ONG qui cherchent à démontrer l’impact positif de leur action sur la base d’évaluations rigoureuses. Il est ensuite possible de travailler avec ces organisations pour multiplier et approfondir cet impact et d’élargir le champ de leur opérations à l’échelle d’un district, d’une région ou d’un pays. Cartier Philanthropy soutient désormais la stratégie de ses organisations partenaires avec des fonds non affectés dans le but de servir le plus grand nombre de personnes sur le long terme.

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© Cartier Philanthropy /Cyril le Tourneur

3. INNOVER C’EST BIEN, MAIS RENDRE ACCESSIBLES AU PLUS GRAND NOMBRE DES SOLUTIONS ÉPROUVÉES C’EST ENCORE MIEUX.

Nous n’avons pas besoin d’un million d’innovations, nous avons juste besoin d’une solution innovante qui fonctionne, répliquée un million de fois. Les problèmes auxquels nous sommes confrontés et que nous essayons de résoudre sont tellement importants et urgents que si l’ensemble de la communauté philanthropique est séduit par l’innovation et se concentre uniquement sur celle-ci, nous ne serons jamais en mesure de rendre accessibles aux plus grand nombre les solutions qui fonctionnent déjà.

Et, dans la plupart des cas, ce qu’il faut c’est soutenir et développer une solution éprouvée pour qu’elle s’applique à très grande échelle. Bien sûr, toutes les solutions commencent par l’innovation, et le besoin d’innovation ne disparaîtra jamais.

Cependant, une fois qu’une solution innovante a fait ses preuves, il est indispensable de financer le processus de passage à l’échelle. C’est là que nous nous situons comme bailleur - nous appuyons l’action d’autres fondations qui sont mieux équipées pour financer l’innovation, et accompagnons les solutions identifiées comme ayant un réel potentiel d’impact. Nous intervenons à cette étape précise avec des subventions importantes et offrons le soutien nécessaire pour leur expansion.

Un excellent exemple est celui de Healthy learners, une organisation qui travaille en Zambie et met en place des services de santé dans les écoles. Healthy Learners forme des enseignants afin qu’ils sachent identifier les symptômes de maladies courantes chez les élèves et leur délivrent un traitement approprié rapide ou les orientent vers des centres de santé. Ils ont pu démontrer que les agents de santé scolaire ont un vrai impact sur la santé des élèves en évaluant la réduction de la morbidité et l’amélioration du taux de fréquentation des écoles depuis le début de leur intervention.

Nous soutenons Healthy Learners depuis 2019 et notre financement non fléché contribue à leur expansion et leur collaboration avec le ministère de l’Éducation, qui implémente désormais leur modèle pour mettre en œuvre leur dispositif de santé scolaire dans d’autres districts. C’est ce type de progression que nous souhaitons soutenir. Healthy Learners a prouvé que sa solution fonctionne, l’a systématisée pour que le gouvernement puisse la mettre en œuvre, et est en passe de la déployer à l’échelle nationale.

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© Healthy Learners

4. TROUVER LE BON ÉQUILIBRE DANS LA DYNAMIQUE DU POUVOIR.

Nous nous efforçons d’être le meilleur partenaire possible pour nos organisations bénéficiaires, mais nous savons que nous détenons le pouvoir dans nos relations : nous avons ce dont elles ont le plus besoin, l’argent. Il arrive cependant que l’on nous rappelle le poids de ce pouvoir.

Il y a quelques années, nous avons travaillé avec une organisation en Mauritanie qui mettait en œuvre une solution efficace pour limiter la propagation d’une plante envahissante en la transformant en une précieuse alternative au charbon de bois. Nous étions curieux de voir si cette solution pouvait être adaptée au Sénégal, un pays voisin qui faisait face aux mêmes problématiques environnementales. Peu après nos premières conversations, l’organisation a indiqué qu’elle pouvait commencer à travailler dans le nord du Sénégal, une démarche que nous avons accepté de financer. Nous avons découvert par la suite qu’elle avait complètement fermé ses opérations en Mauritanie pour s’installer au Sénégal. Cela nous a fait prendre conscience de la puissance de notre position, de la nécessité de comprendre le contexte plus global et de faire très attention à la manière dont nous interagissons avec nos partenaires.

Depuis lors, nous avons appris à écouter davantage, et nous respectons pleinement l’expertise et les connaissances locales des associations. Nous avons également adapté nos processus internes pour éviter de soumettre nos partenaires à une paperasserie inutile, et nous leur faisons confiance pour réaliser l’impact que nous attendons tous.

Il est désormais très clair que nous devons trouver le bon équilibre. Les organisations à but non lucratif ont besoin de nous pour financer leur travail, mais nous avons besoin d’elles et de leurs résultats pour pouvoir démontrer que nous remplissons notre mission.

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© Cartier Philanthropy / Andrea Borgarello

5. S’ENGAGER SUR DES RÉSULTATS ET ASSUMER SES RESPONSABILITÉS.

Nous œuvrons dans un secteur où nous pouvons tracer notre propre voie et financer à peu près ce que nous voulons, comme nous le voulons. Ainsi, l’une des façons dont nous avons choisi d’être responsables est de communiquer publiquement, et de manière transparente, notre travail dans nos rapports annuels et sur notre site internet. Tous les bailleurs ne s’imposent pas cette pratique. Ils n’ont pas besoin de justifier ou de légitimer leurs décisions — en particulier les bailleurs privés. Cependant, il est important pour nous de révéler qui nous finançons et dans quel but. Même si cela signifie parfois que nous devons admettre un échec.

Nous avons travaillé avec une équipe de l’université de Tufts pour évaluer un projet que nous avons soutenu en Haïti et qui n’a finalement pas eu les résultats escomptés. Ils nous ont demandé de publier les résultats de l’étude d’évaluation afin que d’autres bailleurs de fonds ainsi que la communauté des ONG puissent apprendre des erreurs commises. Nous avons bien évidemment accepté, car nous avons conscience de l’importance de partager les résultats afin que chacun puisse en tirer des leçons.

Nous avons encore beaucoup à apprendre des expériences des autres, positives comme négatives, mais aussi du potentiel de nouvelles interventions, d’études qui déconstruisent les mythes, qui comparent la valeur des approches ou qui prouvent l’impact à long terme de solutions.

Nous avons une responsabilité envers le Conseil de fondation de Cartier Philanthropy, certes, mais notre plus grande responsabilité reste envers les personnes que nous souhaitons aider. L’amélioration de nos pratiques contribue à mieux les servir. Nous comptons sur la communauté philanthropique pour nous mettre au défi de continuer à joindre le geste à la parole.

Au cours des dix prochaines années, notre ambition est d’accompagner nos partenaires et nos futurs partenaires à porter leurs solutions à l’échelle la plus large possible. Nous sommes impatients de contribuer à l’impact de leurs interventions et de poursuivre ainsi notre mission.

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© IDinsight

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©Room to Read

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© Cartier Philanthropy /Cyril le Tourneur

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© The Luminos Fund

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© IDinsight

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©Room to Read

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© Cartier Philanthropy /Cyril le Tourneur

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© The Luminos Fund