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Géographie de l’accès

La science des données peut considérablement augmenter l’impact des programmes de développement simplement grâce à leur «optimisation ». PIVOT à Madagascar et SOIL en Haïti sont deux parfaits exemples de cette optimisation.

© PIVOT

La science des données est de plus en plus exploitée dans les contextes d’aide au développement pour générer des prédictions ou élaborer des modèles permettant aux organisations humanitaires de déployer plus efficacement leurs stratégies. Mais la collecte et l’analyse des données peuvent aussi, considérablement augmenter l’impact des programmes de développement simplement grâce à leur «optimisation ». (Pour en savoir plus, nous vous recommandons cet excellent article d’IDinsight)

Nos partenaires, PIVOT à Madagascar et SOIL en Haïti, sont deux parfaits exemples de la manière dont la science des données peut justement optimiser un programme.

CARTOGRAPHIER L'ACCÈS AUX SOINS

Madagascar évoque des images de forêts tropicales luxuriantes, d’anciens baobabs et de lémurs rares et menacés. Mais cette incroyable géographie du territoire, source de beauté sans pareil, est aussi la cause de l’isolement médical de trois quarts de la population. En effet, les villages reculés sont à des heures, voire des jours, à pied ou en moto, des services dispensés dans les cliniques et les hôpitaux. 

La géographie se révèle alors l’un des défis majeurs à surmonter si l’on veut offrir un accès libre et universel aux soins dans le pays. La distance, les aspérités du terrain et les voies navigables souvent impraticables déterminent si une femme enceinte peut se rendre à ses examens prénataux ou si un enfant atteint de paludisme recevra un traitement. Ce phénomène est connu sous l’appellation de « distance decay » : la courbe de fréquentation des établissements de santé diminue en fonction de la distance à parcourir pour y accéder.

Depuis 2014, PIVOT collabore avec le ministère de la Santé publique de Madagascar pour qu’un district rural d’environ 200 000 personnes devienne un modèle de couverture médicale universelle pouvant être reproduit et déployé à l’échelle nationale. La distance decay et l’accès aux soins, géographiquement parlant, ont toujours été les premiers obstacles à lever en vue d’améliorer les résultats en matière de santé.

La Dre Felana Ihantamala, géographe de la santé à la Harvard Medical School et chercheuse de PIVOT, s’est attelée, pendant des mois, à élaborer des estimations précises et contextualisées des routes d’accès aux centres de soins dans le district d’Ifanadiana. Son équipe a cartographié sur OpenStreetMap plus de 100 000 bâtiments, 13 000 hectares de rizières, 5 000 zones résidentielles et un réseau de près de 23 000 km de sentiers pédestres.

Ces données ont été recoupées avec plus de 300 000 dossiers de patients. Des modèles de simulation de vitesse de déplacement, intégrant des données d’altitude et le régime des précipitations, ont été créés et calibrés à l’aide de données GPS de terrain, identifiant ainsi les itinéraires de marche les plus courts pour atteindre les soins. Ces itinéraires ont ensuite été inscrits, conjointement aux données sur l’utilisation des services et la santé de la population, dans une plateforme de santé en ligne. Cette dernière fournit aux équipes de PIVOT, et aux autres acteurs locaux de la santé, des estimations précises sur le chemin le plus court et le temps de trajet estimé entre pratiquement n’importe quels points du district. Elle fournit également des informations clés pour la planification et la mise en œuvre des programmes de santé, comme l’identification des zones où l’accès aux soins est le plus faible.

Comme l’explique Matt Bonds, directeur scientifique de PIVOT, « Le travail de Dre Ihantamalala  nous a permis d’aller plus loin - au-delà du système de santé officiel - en soulignant ce dont nous avons le plus besoin : la mise en évidence de ce qui ne fonctionne pas afin de pouvoir y remédier ».

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MAÎTRISER LE DÉDALE URBAIN D'HAÏTI 

En Haïti, SOIL fournit des services d’assainissement abordables aux familles vivant dans les bidonvilles les plus pauvres de l’île. Son modèle d’entreprise sociale consiste à offrir aux communautés urbaines, et à prix abordables : des toilettes à conteneurs et des services de traitement des déchets, y compris la collecte hebdomadaire des conteneurs et la valorisation des déchets en compost. Historiquement, les agents de collecte ont toujours compté sur leur mémoire, leurs connaissances du quartier et leurs liens pour trouver leur chemin et effectuer leurs tournées. Cependant, avec l’augmentation constante du réseau de clients, toute réduction de carburant, de temps ou de distance est devenue cruciale pour permettre d’augmenter l’efficience du système. SOIL a donc dû répondre à deux questions essentielles : 

 - Comme sa flotte automobile est principalement composée de triporteurs et de petits camions de capacité limitée, combien de trajets au minimum s’avéraient nécessaires pour desservir tous les clients SOIL alors que le nombre de conteneurs pouvait varier d’un ménage à l’autre ? 

 - Quel était l’itinéraire idéal pour ces déplacements et comment pouvait-on les cartographier ? 

En collaboration avec les scientifiques de DataKind, SOIL a mis au point un algorithme d’optimisation et a utilisé les outils à disposition tels que OpenStreetMap, Open Source Routing Machine et Google-Or Tools pour générer des itinéraires optimisés qui tiennent compte tant de l’état des routes que des types de véhicules. 

Les agents de collecte SOIL peuvent dorénavant charger sur leurs appareils mobiles des cartes via une application consultable hors ligne, donc sur le terrain, spécifiant les zones et les itinéraires. Chacune de ces cartes précise le parcours que le véhicule doit suivre pour effectuer sa tournée du jour. 

Selon Erica Lloyd, directrice de la recherche et de l’innovation chez SOIL, « appréhender nos données sur les conteneurs nous a permis de toucher, efficacement, le plus de ménages possible, afin que nos camions reviennent toujours pleins ». 

SOIL prévoit ainsi de réduire considérablement le kilométrage et la consommation de carburant liés à la collecte. En effet, l’organisation a déjà raccourci la distance parcourue de 5 % depuis l’instauration des cartes.

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© SOIL / Tony Marcelli

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© SOIL / Bijay Rai

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