Newsletter

Chaque réfugié a son histoire

La Journée mondiale des réfugiés est l’occasion de saluer le courage, la force et la profonde humanité de celles et ceux qui ont été forcés de fuir leur maison et leur pays d’origine. Nous vous invitons à lire les récits que SOS Méditerranée, Médecins Sans Frontières, l’International Rescue Committee, Luminos Fund, Village Enterprise, Medair et BRAC ont recueillis et partagés avec nous. Notre humanité nous incite à les écouter.

©Jérémie Lusseau/ SOS MEDITERRANEE

La Journée mondiale des réfugiés est l’occasion de saluer le courage, la force et la profonde humanité de celles et ceux qui ont été forcés de fuir leur maison et leur pays d’origine. Les raisons qui poussent les migrants à entamer leur périple sont nombreuses. Certains fuient la sécheresse, la famine, la pauvreté ou la guerre, les violences domestiques ou encore un emprisonnement. Ils quittent aussi parfois un très bon emploi. Alors qu’aujourd’hui les règles en matière d’attribution de visa sont strictes et que les coûts d’une émigration sont très élevés, on ne peut plus dire que ce sont les plus pauvres ni les plus fortunés qui quittent leur pays. Aucun déplacement n’est parfaitement planifié ni complètement improvisé. C’est pourquoi il est primordial d’écouter ces histoires et de les garder vivantes, en veillant à ce qu’elles soient entendues. Nous vous invitons à lire les récits que SOS MEDITERRANEE, Médecins Sans Frontières, l’International Rescue Committee, Luminos Fund, Village Enterprise, Medair et BRAC ont recueillis et partagés avec nous. Certains sont empreints de tristesse, d’autres d’espoir. Chaque migrant est le témoin d’une histoire personnelle, parmi tant d’autres. Notre humanité nous incite à les écouter.

Photo_Luminos_1000px.jpg

«Je me suis dessinée à différentes étapes de ma journée à l'école : D'abord dans le bus avec mon ballon rouge, puis à l'intérieur de l'école». Qamar, 11 ans, Syrien, élève de Luminos au Liban

J’ESPÈRE QUE MA FAMILLE ME RETROUVERA

« Je suis née à Mogadiscio. J’avais neuf ans, lorsque la guerre civile s’est aggravée. Mes parents ont réussi à s’enfuir, mais ils m’ont abandonnée. Je suis restée chez mon oncle, mais la vie était difficile. Je faisais le ménage et travaillais comme une esclave. Il voulait que j’épouse l’un de ses cousins, âgé de 83 ans qui habitait à Dubaï. J’avais alors onze ans. J’ai refusé de l’épouser et je me suis réfugiée chez un ami.

« Un autre ami m’a suggéré d’aller en Libye. Je suis partie en 2020. J’avais quatorze ans.

« J’ai dit aux personnes qui m’hébergeaient que je n’avais pas les moyens de les payer. Chaque jour, je me faisais battre, car je n’avais pas d’argent. Je suis restée trois ans chez eux. J’ai été battue tous les jours, pendant trois ans.

« Puis, quand j’ai eu une infection de la peau, ils ne m’ont plus acceptée et m’ont envoyée à Tripoli.

« J’ai été emprisonnée avec d’autres femmes. Les femmes avec lesquelles je me trouvais collectaient de l’argent afin de me permettre de payer les passeurs. On m’a emmenée dans un autre endroit, un “lieu aux allures mafieuses”, avant d’embarquer. Cet endroit était tenu par des femmes libyennes. La nourriture y était très mauvaise et nous n’avions droit qu’à un seul repas par jour.

« Un jour, ils sont venus avec une camionnette et nous ont ordonné d’y monter. C’était là notre seule chance de quitter les lieux. Une fois sur la plage, nous avons dû rapidement grimper dans le bateau. J’ai eu une crise de panique et je me suis mise à crier. Un homme m’a dit que je pouvais m’asseoir avec lui à l’avant, où il me protégerait. Au bout de quelques heures, nous avons vu que le bateau pneumatique commençait à se dégonfler. L’eau pénétrait dans l’embarcation, nous avons eu très peur. Les gens sur le bateau voulaient appeler à l’aide, mais je les en ai empêchés : j’avais peur que cela nous oblige à retourner en Libye. 

« Lorsque j’ai vu les bateaux de sauvetage arriver, je me suis mise à pleurer. Je me souviens d’avoir été l’une des dernières à monter dans l’Ocean Viking, et lorsque leur équipage m’a aidée à monter à bord, j’ai craqué. J’avais perdu toute mon énergie.  Maintenant, j’espère que ma famille me retrouvera grâce à ce témoignage. C’est mon rêve. »

Asha est l’une des 92 personnes sauvées d’un canot pneumatique en détresse dans les eaux internationales au large de la Libye, le 1er avril 2023. Elle faisait partie des 47 mineurs non accompagnés qui se trouvaient alors à bord de l’Ocean Viking, le navire de recherche et de sauvetage affrété par SOS MEDITERRANEE

Asha_2.jpg

Asha* sur le pont du navire Ocean Viking. © Jérémie Lusseau/ SOS MEDITERRANEE

NOUS NE POUVONS PAS OUBLIER CE QUE NOUS AVONS VÉCU

« Quand les soldats russes sont arrivés dans notre cour, nous étions au sous-sol. Ils nous ont dit de sortir, ont vérifié nos papiers avant de nous renvoyer au sous-sol. Ils se sont ensuite installés dans notre maison et ont commencé à y vivre. Mon mari a reçu une balle dans le dos alors que nous étions encore à la maison. Après s’être fait tirer dessus, il est resté au sous-sol pendant un mois et demi, sans traitement ni médicaments. Nous n’avions plus rien. Tout avait été détruit.

« Quand les soldats ukrainiens sont entrés dans notre village, ils nous ont demandé si nous souhaitions partir. Le même jour, nous sommes allés à Kryvyi Rih. Nous y avons des amis qui nous ont hébergés. Leur maison abritait 14 personnes, dont nous.

« Plus tard, nous avons fait une demande pour obtenir une place dans le centre d’hébergement pour personnes déplacées, car nous dormions à même le sol chez nos amis et mon mari se remettait encore de son intervention chirurgicale.

« Le 3 avril, nous avons appris que notre fils était mort. On nous a dit que son corps se trouvait dans une morgue à Kryvyi Rih et nous venons à peine de l’enterrer.

« Nous nous remettons, mais nous ne pouvons pas oublier ce que nous avons vécu. Nous n’avons plus de maison. Elle a été détruite. Mais nous voulons toute de même y retourner et reconstruire notre village. Nous remercions la ville de nous avoir accueillis. Mais notre maison c’est chez nous. »

Les besoins en santé mentale en Ukraine sont énormes et la prise en charge des traumatismes de guerre est une priorité pour les équipes de Médecins Sans Frontières. Yevhenia est l’une des patientes de MSF. Elle vient d’un village de la région de Kherson, actuellement sous le contrôle militaire russe. Elle vit aujourd’hui dans un centre pour personnes déplacées dans la région de Dnipropetrovsk.

MSF_World_Refugee_Day.jpg

Yevhenia Koval est une personne déplacée de la région de Kherson. ©MSF

NOUS SOMMES BIEN PLUS FORTES QUE VOUS NE L’IMAGINEZ

En août 2021, Arifa Sanjar, 18 ans, Zahra Mosavi, 19 ans, et Hadisa Rezayee, 18 ans, toutes étudiantes afghanes à l’Asian University of Women, se sont retrouvées bloquées à l’extérieur de l’aéroport de Kaboul avec un groupe de 170 étudiants. Les talibans venaient de prendre le contrôle du pays et elles faisaient partie des milliers de personnes qui espéraient être évacuées, même si cela signifiait devoir laisser leur famille derrière elles. Le climat était tendu et dangereux. Les trois amies ont dû attendre trois jours avant de pouvoir pénétrer dans l’aéroport, et ont ensuite dû de nouveau attendre avant d’embarquer pour leur destination finale, les États-Unis.

Un peu plus d’un an plus tard, alors que la majorité des réfugiés se sont installés dans des maisons et des communautés résidentielles, ces jeunes femmes reconstruisent leur vie à l’Université d’État de l’Arizona (ASU) dans le cadre d’un programme de coparrainage entre l’Université et l’International Rescue Committee (IRC).

Les journées de Zahra, Arifa et Hadisa sont bien remplies entre leurs activités et les études.

« Nous n’avons pas eu le droit d’emporter quoi que ce soit, nous explique Arifa. Nous n’avions que les vêtements que nous portions. Nous sommes confrontées à de nombreux défis, mais nous faisons toujours de notre mieux. Nous sommes bien plus fortes et plus compétentes que vous ne l’imaginez. »

Arifa, 18 ans, étudie la cybersécurité. C’est aussi une athlète accomplie qui pratique les arts martiaux et le skateboard. Arifa est ceinture noire de taekwondo et a participé à plusieurs compétitions, dont les Jeux olympiques asiatiques au Turkménistan. Elle a créé un club d’aïkido à l’ASU. « Dire “j’aime le sport”, c’est différent que de dire “j’adore le sport”. Pour moi, le sport est une passion ».

Hadisa a déclaré : « Cela me blesse quand les gens me disent “Je suis désolé que tu viennes de ce pays.” »« J’aimerais vraiment faire quelque chose pour les filles d’Afghanistan, en particulier celles qui ont perdu leur famille ou qui n’ont personne pour les soutenir. J’aimerais apporter un changement à la prochaine génération d’Afghanes.« J’espère qu’un jour mon pays sera en paix et que plus personne n’aura peur d’aller en Afghanistan. J’espère que tout le monde vivra en paix, sans risquer pour sa vie… en vivant unis, heureux, les uns avec les autres ».

Hadisa, 18 ans, envisage d’étudier le génie logiciel.

« J’ai été surprise par la taille du campus de l’ASU, a déclaré Zahra. Je trouve mes salles de cours grâce à Google Maps et il m’arrive encore de me perdre.

« Je suis dans un endroit où je peux faire entendre ma voix. Ici, il y a beaucoup d’opportunités pour les femmes. Une femme peut réaliser tous ses rêves ici. Mais les filles en Afghanistan ne le peuvent pas. »

Zahra, 22 ans, envisage d’étudier le droit pour subvenir aux besoins de sa famille et aider les femmes et les jeunes filles de son pays d’origine.

IRC_studens.jpg

Arifa, 18, Hadisa, 18 et Zahra, 22 à l'université d'Arizona. ©Nisha Datt for the IRC

NOUS AVONS ATTENDU UNE JOURNÉE, PUIS NOUS SOMMES PARTIS

« Nous étions chez nous lorsqu’un avion a percuté une maison située derrière la nôtre. Nous avons attendu exactement une journée et nous sommes partis. » C’est ainsi qu’Awfa se souvient de ce jour qui a changé à jamais sa vie.

Réfugiée syrienne vivant aujourd’hui au Liban, Awfa aime lire et rêve d’étudier le français pour l’enseigner à l’Université.

« Je suis heureuse ici. Je ne suis jamais allée à l’école auparavant. C’est ma première fois. Je ne manque jamais un jour. J’apprends tellement de choses ! »

Le Liban qui vit l’une des pires crises humanitaires de notre époque accueille aujourd’hui le plus grand nombre de personnes déplacées par habitant au monde : 1,5 million de réfugiés syriens.

Plus de 7 000 enfants victime de conflit et obligés de quitter leurs maisons ont déjà pu retourner sur les bancs de l’école et combler les principales lacunes de leur éducation grâce à l’organisation Luminos Fund

Le programme d’apprentissage accéléré de Luminos apporte un nouvel espoir aux enfants qui n’ont pas eu la chance d’aller à l’école, en les aidant à acquérir les bases de la lecture, de l’écriture et des mathématiques avant d’intégrer l’école publique ; ils auront alors les compétences fondamentales dont ils ont besoin pour réussir, même dans les situations les plus difficiles.

Luminos_World_Refugee_Day.jpg

Awfa, une réfugiée syrienne vivant au Liban, montre son dessin. ©Luminos Fund

UN ENDROIT SÛR POUR SE SENTIR CHEZ SOI

« Lorsque la guerre a éclaté au Soudan du Sud, j’ai fui ma maison avec mes quatre enfants, mon neveu et mon petit-fils. Nous sommes arrivés au camp et avons reçu de la nourriture et une bâche pour nous abriter. Nous avons trouvé de l’herbe et fabriqué des briques pour construire une petite maison au toit de chaume. J’ai dû payer quelqu’un pour m’aider à construire les murs.

« En tant que veuve, je n’avais personne pour m’aider, et je n’avais aucune possibilité de gagner ma vie. Alors, quand nos rations alimentaires n’ont pas suffi pour tenir tout le mois, nous avons commencé à sauter des repas. Nous avons fini par ne prendre qu’un seul repas par jour et mes enfants ont dû abandonner l’école parce que je n’avais pas les moyens de payer les frais de scolarité. Enfin, des termites se sont introduits dans notre maison et ont commencé à ronger les murs, provoquant des fuites à chaque fois qu’il pleuvait.

« Mais j’ai repris espoir pour l’avenir de ma famille lorsque j’ai entendu parler de Village Enterprise. Grâce à leur programme DREAMS, j’ai appris comment créer une petite entreprise et acquérir toutes les compétences financières nécessaires pour la gérer. Mon mentor m’a aidé à déterminer l’activité qui conviendrait le mieux à ma communauté. Puis je me suis ensuite associée à deux autres femmes, qui sont devenues mes associés et avec elles j’ai lancé un commerce de détail de vente et d’achat de vêtements.

« Cela fait presque un an que j’ai rejoint le programme et la situation de ma famille s’est vraiment améliorée. Tout le monde mange trois repas par jour et j’ai pu payer les frais de scolarité pour deux de mes enfants, et j’ai l’intention de rescolariser bientôt les autres. J’ai également pu construire une nouvelle maison avec un toit en tôle et des portes plus solides. C’est un endroit sûr et résistant que nous avons commencé à appeler “chez nous” ».

Le camp de réfugiés Rhino Camp, dans le nord-ouest de l’Ouganda, accueille plus de 120 000 personnes qui ont fui des conflits, des catastrophes naturelles et d’autres chocs importants dans leur pays d’origine. Susan est l’une d’entre eux. Le programme DREAMS (Delivering Resilient Enterprises and Market Systems) de Village Enterprise associe le programme de réduction de la pauvreté de Village Enterprise à l’expertise de Mercy Corps en matière de développement de systèmes de marché. Ensemble, ils fournissent aux réfugiés les compétences, les ressources et un accès amélioré aux marchés pour pouvoir lancer des entreprises durables et génèrer des revenus stables.

Susan_-_Cropped_for_landscape_copie.jpg

Susan se tient devant sa maison. ©Village Enterprise

L’EAU AU CŒUR DE LA SÉCHERESSE

« Cela faisait trop longtemps qu’il n’y avait pas eu assez de pluie. Mon bétail est mort et vivre de mon potager est devenu impossible. Je n’ai pas eu d’autre choix que de quitter ma maison et de trouver un endroit où je pourrais m’installer avec mon enfant. Sans eau, personne ne peut survivre. Ce fut un long et dangereux voyage pour mon bébé et moi avant de trouver ce camp et cette nouvelle communauté. Sans cette aide et sans le soutien que nous y recevons, nous serions probablement tous déjà morts. Le matin, nous attendons l’arrivée des camions. Ils apportent l’eau potable dont nous dépendons tous pour survivre. Je fais la queue le matin tôt pour collecter l’eau, comme ça je ne m’éloigne pas trop longtemps de notre tente. Les besoins dans le camp restent très importants. Vous pouvez voir que mon bébé est mal nourri. L’eau était ma plus grande préoccupation et je suis heureuse qu’au moins pour l’instant je n’aie plus à m’en préoccuper ». 

Jasira vit avec son jeune fils, Hodan, dans un camp isolé pour personnes déplacées dans le sud de la Somalie. Elle possédait auparavant une petite ferme où elle cultivait ses produits et élevait du bétail. La sécheresse la plus sévère depuis plus de quarante ans a détruit ses moyens de subsistance et a déplacé plus de 1,3 million de Somaliens.

Les équipes de Medair apportent des soins de santé essentiels, une aide nutritionnelle et de l’eau potable aux populations vulnérables du Centre-Sud de la Somalie.

Medair_Jashira.jpg

Jasira et son petit garçon Hodan ont récemment quitté leur ferme en raison de la sécheresse et ont trouvé un endroit sûr dans ce camp de déplacés. ©Medair

MON SOUHAIT LE PLUS CHER EST DE RENTRER CHEZ MOI

« En 2017, j’ai fui le Myanmar avec ma famille, après avoir été torturée par l’armée. En arrivant au Bangladesh, j’ai dû faire face à de nombreux défis, notamment à un manque de ressources. À l’époque, j’étais psychologiquement brisée, et la vie était cruelle avec moi. Réfugiée, je me sentais perdue et ne savais pas quoi faire. Bien que le gouvernement du Bangladesh nous ait fourni un abri, il m’a fallu beaucoup de temps pour me remettre de mes blessures interieures.

« En 2018, j’ai commencé à travailler comme agent de santé communautaire pour BRAC. Heureusement, cela n’a pas été un problème pour ma famille. J’espère continuer à travailler comme agent de santé communautaire afin de pouvoir offrir une belle vie à mes enfants. Toutefois, mon souhait ultime est de rentrer au Myanmar et de pouvoir le faire en tant que citoyenne. Notre seul souhait est d’avoir un environnement sûr au Myanmar. Si c’est possible, nous rentrerons, c’est certain. »

Dilara Begum est une Rohingya. Elle travaille aujourd’hui comme agent de santé communautaire au centre de soins de santé primaires de BRAC, dans le camp 13 de Cox’s Bazar.

Dilara_BRAC.jpg

Dilara Begum travaille comme agent de santé communautaire au centre de soins de santé primaires du BRAC. in Camp 13 at Cox Bazar. ©BRAC/ Fazlul Islam

Les noms des personnes figurant dans cet article ont été modifiés pour des raisons de confidentialité. Leurs témoignages ont été légèrement modifiés par souci de clarté et de concision.